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Julien Laurent, Sociologue, chercheur post-doctorant au Groupe de Recherche sur les Espaces Festifs (GREF), Université du Québec à Montréal (UQAM), chargé de cours en géographie et en études urbaines (UQAM), Canada

L’appropriation d’un espace public par le skateboard et ses pratiquants engendre une dynamique visuelle et sonore. Celle-ci se traduit par l’émergence d’une ambiance pouvant être festive, ludique voire compétitive, fondée sur l’exploitation du mobilier urbain. Ainsi, un pan de la ville choisit pour son décor, sa qualité de roule, son architecture, devient une scène où il convient de se montrer par l’intermédiaire de performances corporelles qui attirent l’intérêt et surtout le regard de l’Autre. Mes travaux démontrent que les « street » skaters construisent des représentations de certains sites à valeur idéale typique et qui prennent du sens dans leur pratique culturelle (Laurent & Gibout 2010). Ainsi, ils font preuve d’un potentiel à les exploiter et à les sublimer par des figures qui ressemblent à des acrobaties modernisées sous l’appellation anglo-saxonne de tricks (Laurent, 2009).

Pour reprendre Chadoin (2010), nous aurions donc affaire à la dimension hard de l’ambiance, prenant une multitude de facettes, à travers cette pratique de la ville. D’ailleurs pour sa dimension sociale, il est possible de relever deux réponses à l’ambiance générée. Celle des pratiquants, de leurs proches et des personnes qui profitent de cette animation. D’autre part, celle des résidents, d’autres chalands craintifs et des autorités locales qui subissent les nuisances sonores causées par le claquement des planches sur le sol et relèvent les dégradations visuelles causées sur le mobilier. Ainsi le bannissement et tout un panel de contraintes surgissent pour mettre un terme à cette ambiance qui dérange afin de la remplacer par une autre d’avantage aseptisée, sécurisée, fonctionnalisée.

Cette ambiance protéiforme semble particulièrement pertinente quand il s’agit de cerner les diverses formes d’un mode de vie skateboard (Veal, 2001 ; Wheaton, 2004). Mes enquêtes ethnographiques, parmi divers groupes de pratiquants montpelliérains, démontrent que les skaters adoptent des manières d’être, de faire, de penser qui leurs sont propres. Celles-ci ne sont pas forcément valorisantes et valorisées d’un groupe à un autre. Elles pourront générer soit une empathie qui conduit à des relations quasi-fraternelles, soit de la distinction, de la mise à distance de ceux identifiés comme des intrus qu’il faudra faire fuir par des rapports conflictuels, des intimidations.

D’autre part, la notion d’ambiance sous son versant social semble renvoyer au concept de fun, le plaisant et l’excitation liés à un état d’esprit « bon enfant », de défis joués, de réussites partagées, de rigolades et autres bouffonneries entre proches et qui ponctuent les chutes et autres cascades fréquentes. Cette ambiance peut aussi se charger d’un sérieux quasi-professionnel chez les experts qui s’engagent dans la réalisation de performances. Ces deux ressentis animent les interactions entre les skaters.

Sur la base de ces constats, nous pourrions soulever la question d’une transmission, entre les générations, d’un panel de comportements qui pourrait faire surgir diverses formes d’ambiance. Est-il possible de relever chez ces individus une capacité à s’ajuster en fonction de la présence de leurs pairs, de générer, selon le contexte, une ambiance plaisante ou au contraire délétère. Y a-t-il une forme d’apprentissage au sein des groupes, des comportements qui peuvent générer ces formes d’ambiances ? Est-ce que dans le cadre de sa carrière au sens de Becker, le pratiquant va aussi apprendre à instaurer et subir diverses formes d’ambiance ?

Les recherches menées dans le cadre du Groupe de Recherche sur les Espaces Festifs (UQAM), visent à mieux cerner une forme de bien-être et de bien vivre sa ville pouvant ainsi se matérialiser par une meilleure compréhension de la notion d’ambiance.

References
Becker, H. (1985, 1ère éd. 1963). Outsiders. Sociologie de la déviance. Paris : Métailié.
Chadoin, O. (2010). La notion d’ambiance. Contribution à l’examen d’une invention intellectuelle postmoderne dans le monde de la recherche architecturale urbaine. Les Annales de la recherche urbaine, nº 106 pp. 153-159.
Laurent, J. & Gibout, C. (2010). Ces décors urbains qui invitent aux voyages : « L’imagibilité » chez les skaters de Montpellier. Les Annales de la recherche urbaine, nº 106 pp. 106-116.
Laurent J., (2009), « La ville et la culture des « jeunes » influencées par l’acrobatie : réflexion sur les ambivalences des pratiques urbaines », Loisir et société, vol. 31, n° 2, Presses Universitaires du Québec.
Veal A.-J., (2001), « Leisure, culture and lifestyle », Loisir et Société, vol. 24, n°2, pp. 359-376.Wheaton, A. (2004). Understanding lifestyle sports. Consumption identity and difference. Routledge : New York.

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