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Appel à soumission de textes pour – la revue électronique en sciences de l’environnement

[VertigO]

Entre controverses environnementales et projets d’aménagement : le paysage à l’épreuve des sens
Dans les années 1990, quand le paysage fait son retour dans le champ de la pratique aménagiste, à titre d’« alternative » (Marot, 1995) à certaines dérives de l’urbanisme moderne, la question du sensible est un champ émergent des sciences sociales, qu’elles soient de l’environnement ou de l’aménagement. On commence alors à questionner les « ambiances » ou les « atmosphères » (cf. travaux du CRESSON à Grenoble, réseau international Ambiances). On cherche à comprendre ce qui détermine les qualités d’un lieu. On souhaite identifier des déterminants de l’attachement à un espace donné, réinterprétant les découvertes, déjà anciennes, des approches phénoménologiques de l’espace (on pense ici à la humanistic geography des années 1970). On s’intéressera bientôt aux affects « pour penser et concevoir la ville » (Bochet, 2008 : 253).
Les savoirs et pratiques de l’aménagement s’apprêtent en effet à prendre un « tournant esthétique ». Celui-ci pourrait être défini comme une propension à penser les pratiques sociales à partir d’un référentiel esthétique, qui, mobilisant les champs de la perception et des sens, s’attache à comprendre la qualité des lieux du monde. La question d’une humanité sensible en prise avec le monde devient une question centrale de la production des territoires.
La thématique n’est pas neuve. Au XVIIIe siècle déjà, dans le champ de l’art des jardins, le goût des lacis des jardins paysagers se substitue à la mode des géométries des jardins à la française. Le nouvel art d’aménager les jardins doit alors amener le visiteur à découvrir successivement différentes vues, divers éclairages qui constituent autant de manières de stimuler son imagination, de faire advenir des idées (Baridon, 1998). C’est au moyen de son appareil sensible que l’être humain pense et peut formuler des idées ; le rôle de l’aménagement de l’espace est d’activer l’appareil perceptif de manière à favoriser un jeu des sensations propres à favoriser l’émergence d’idées générales par la médiation du jugement et de la mémoire (Matthey, 2007 : 158-159).
Très tôt, donc – dans son histoire principalement occidentale (Cauquelin, 1989), tant il est lié à l’invention de schèmes artistiques et cognitifs européocentrés (Baxendall, 1972 ; Roger, 1997) –, le paysage s’enrichit de nouvelles dimensions sensibles, s’émancipant du primat classique du visuel pour se faire multisensoriel : visuel certes, mais aussi sonore (Geisler, 2012), olfactif (Grésillon, 2010), tactile avant que l’on ne parle de son goût. L’expérience paysagère est celle d’une totalité sensible qui englobe l’être dans le monde (Besse, 2009). Cette expérience est toutefois fortement influencée par un contexte historique, une culture, une position dans l’espace social, des moments du parcours de vie… Elle est également troublée par la variation des matérialités du paysage (paysage rural, paysage des infrastructures…), sa texture (paysage végétal, construit, hydrologique), sa structure (géomorphologique, anthropologique…) et par les modalités de déplacement du corps dans l’espace. Cette expérience est enfin un outil d’aménagement de l’espace. Elle permettrait en effet d’approcher l’esprit du lieu, d’entrevoir les « intouchables » qui fondent son identité. Privilégier une approche sensible, polysensorielle des lieux d’une intervention participerait ainsi, sinon d’une science, du moins d’un art de l’intervention sensible au milieu — à plus forte raison que l’expérience paysagère investit aujourd’hui plus largement les paysages de l’ordinaire et du quotidien (Bigando, 2008).
C’est ce paysage multisensoriel que souhaite appréhender ce numéro de VertigO — la revue électronique en sciences de l’environnement. Pour ce faire, on empruntera trois focales.

 

  1. La première s’intéresse à ce que l’on pourrait appeler les sensibilités paysagères. On s’attachera ici à mieux saisir les dimensions esthétiques des controverses paysagères, en focalisant sur les régimes sensoriels des mobilisations citoyennes. De la densification d’une zone de villas à l’implantation des grandes infrastructures de transports, en passant par l’installation d’éoliennes, le paysage a en effet cette capacité de rendre sensible des transformations sociétales qui impactent le cadre de vie. Lieu de manifestation et d’aperception de « ce qui change », le paysage sensible est un puissant vecteur de mobilisation. Comment les dimensions sensibles du paysage sont-elles mobilisées par les acteurs de ces controverses ? Comment les interventions sur le corps des paysages ordinaires (Dewarrat et al., 2003) viennent-elles bouleverser l’écologie sensorielle des collectifs habitants ?
  2. La deuxième s’attache aux méthodologies du sensible (Manola, 2013). Il s’agira d’interroger les dispositifs méthodologiques les plus aptes à rendre compte de la multiplicité des rapports sensibles au paysage et des valeurs qui lui sont attribuées. Comment dévoiler les mécanismes qui régissent l’attachement à un paysage (Thibaud, 2015) ? Comment révéler les liens entre les pratiques quotidiennes et les réalités affectuelles d’un paysage ? Quelle place donner aux entretiens, aux processus délibératifs (forums, focus groups, etc.), aux parcours commentés, augmentés (Feildel et al., 2016), aux techniques de représentation issues à la fois des sciences humaines et sociales et de la conception spatiale (cartes mentales, cartes sensibles, cartes dynamiques, blocs-diagrammes, transects…), etc. afin de mettre en langage et en forme tant les expériences sensibles du rapport au paysage que les significations qu’on lui prête ? Quelles sont les difficultés persistantes d’une opérationnalisation du sensible (réticences liées à l’expression de l’intime, faiblesses lexicales, indicibilité de l’expérience sensorielle, souvent inconsciente, etc.) ? Comment explorer les rapports multisensoriels au paysage en articulant les échelles individuelles et collectives ? Comment anticiper les rapports sensibles à des paysages non encore existants (Morello et Piga, 2015) ?
  3. La troisième focale s’intéresse à l’espace sensible considéré comme outil et objet de l’aménagement. Depuis quelques années en effet, et notamment en lien avec une considération croissante de la parole et du vécu habitants, les approches visant à fonder le sensible comme levier des projets d’aménagement du territoire connaissent un succès croissant. Ces approches, développées de plus en plus dans les formations des concepteurs spatiaux, se fondent sur le postulat voulant que l’expérience — individuelle ou collective —, les données sensibles issues du paysage sensoriel, soient à l’origine d’un diagnostic plus fin des sites de projet. S’intéresser aux sens ferait émerger une ontologie des lieux que les seuls relevés de leurs caractéristiques ne pourraient saisir. Cette volonté de laisser parler les lieux pour faire projet s’inscrit dans une posture aménagiste qui se revendique d’une éthique de l’inversion paysagère (Cogato, 2005), propre à fonder une « architecture des milieux » (pour reprendre une expression chère à Chris Younès, 2010), en ce sens qu’elle participerait d’une pensée de l’environnement. Mais elle est aussi susceptible de cacher d’autres enjeux, plus politiques. Le travail sur le sensible participe en effet parfois à une entreprise de déstabilisation des cadres aprioriques d’organisation de la ville collective. Il peut par exemple rendre plus flou, plus poreux le périmètre d’un quartier (Matthey, 2015). Il peut bouleverser des images plus quantitatives. Cette focale s’intéressera donc à comprendre comment le recours au sensible travaille les dynamiques des projets d’aménagement, pour le meilleur ou le pire de leurs destinataires.

Nature des propositions et calendrier

Les propositions peuvent émaner de chercheurs et de praticiens, avec naturellement la possibilité de textes cosignés. Ils croiseront en tous les cas un axe de réflexion privilégié (analyse des situations d’in/acceptabilité, généalogie, dispositifs, usages savants) avec l’un et/ou l’autre des mondes de la pratique identifiés.
Échéancier

 

  • 15 mai 2017 : date limite pour l’envoi d’une proposition d’un maximum de 600 mots comprenant, outre le titre provisoire et 5 mots-clés, la mention d’un référentiel théorique, l’esquisse d’une problématique, l’explicitation d’un cadre méthodologique et d’un terrain et enfin l’évocation des résultats (escomptés) ;
  • 15 juin 2017 : avis aux auteurs quant à l’acceptation ou refus de leur proposition ;
  • 1er septembre 2017 : date limite pour l’envoi d’un texte complet respectant les conditions éditoriales précisées sur le site de la revue à l’adresse suivante : http://vertigo.revues.org ; évaluation du texte par un comité de lecture — réponse définitive de la revue en novembre et décembre 2018 avec grille d’évaluation des évaluateurs ;
  • Janvier et février 2018 : réception des textes révisés ;
  • Mai 2018 : mise en ligne du numéro.

Sauf pour les dates du 15 mai et du 1er septembre, l’échéancier est fourni à titre indicatif.

Soumission des propositions
Les propositions et manuscrits (avec résumé, texte complet, figures, tables et bibliographie) doivent être soumis par courrier électronique à Jessica Onitsoa Andriamasinoro (rédactrice-adjointe [VertigO]) l’adresse courriel suivante : redacteur.adjoint@editionsvertigo.org. La soumission doit être bien identifiée au nom du dossier : « Entre controverses environnementales et projets d’aménagement : le paysage à l’épreuve des sens ».
Pour soumettre un texte, prière de consulter les politiques de publication de la revue disponibles à l’adresse suivante : https://vertigo.revues.org/5401

Lors de la soumission, les auteurs doivent fournir leur nom et les coordonnées de trois réviseurs potentiels pour leur article. La revue se réserve le droit de choisir ou non les réviseurs proposés.

Vous pouvez aussi nous faire parvenir en tout temps des propositions de textes pour les différentes sections de la revue. La revue accepte la soumission de textes scientifiques en tout temps.
Coordination du numéro

 

  • Vincent Battesti (Centre national de la recherche scientifique, UMR 7206)
  • Élise Geisler (Agrocampus Ouest, UMR ESO)
  • Christophe Mager (Université de Lausanne)
  • Laurent Matthey (Université de Genève)
  • Éric Duchemin ([VertigO]/Université du Québec à Montréal, Canada)
Bibliographie

Baridon, M., 1998, Les jardins : paysagistes, jardiniers, poètes, Paris, Bouquins, 1233 p.

Baxendall, M., 1972 [1981], L’œil du Quattrocento, Actes de la recherche en sciences sociales, 40, pp. 10-49.

Besse, J.-M., 2009, Le goût du monde : exercices de paysage, Arles, Actes Sud, 227 p.

Bigando, E., 2008, Le paysage ordinaire, porteur d’une identité habitante. Pour penser autrement la relation des habitants au paysage, Projets de paysage, [En ligne] URL : http://www.projetsdepaysage.fr/le_paysage_ordinaire_porteur_d_une_identite_habitante, Consulté le 8 février 2017.

Bochet, B., 2008, Les affects au cœur des préoccupations urbaines et urbanistiques : la réintroduction du sensible pour penser et concevoir la ville, Geographica Helvetica, 63, 4, pp. 253-261. DOI : 10.5194/gh-63-253-2008

Cogato-Lanza, E., 2005, Le territoire inversé. In Versteegh, P., Méandres. Penser le paysage urbain, Lausanne, PPUR, pp. 117-141.

Cauquelin, A., 1989 [2000], L´invention du paysage, Paris, PUF, 181 p.

Dewarrat, J.-P., R. Quincerot, M. Weil et B. Woeffray, 2003, Paysages ordinaires. De la protection au projet, Sprimont, Pierre Mardaga, 95 p.

Feildel, B., É. Olmedo, F. Troin, S. Depeau, M. Poisson, N. Audas et K. Duplan, 2016, Parcours augmentés, une expérience sensible entre arts et sciences sociales, Carnets de géographie, 9, [En ligne] URL : http://cdg.revues.org/721. Consulté le 8 février 2017. DOI : 10.4000/cdg.721

Geisler, E., 2012, Le paysage, un moyen de (re)qualifier et de cartographier l’environnement sonore, Sonorités, 7, pp. 145-159

Grésillon, L., 2010, Sentir Paris. Bien-être et matérialité des lieux, Versailles, Quae Éditions, 192 p.

Marot, S., 1995 [2010], L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture, Paris, Éditions de la Villette, 142 p.

Manola, T., 2013, Rapports multisensoriels des habitants à leurs territoires de vie. Retours critiques sur une démarche méthodologique, Norois, 227, 2, pp. 25‑42. DOI : 10.4000/norois.4649

Matthey, L., 2015, ‘Political sensitivity’. Subjective feedback on the unexpected effects of an urban planning study, Articulo – Journal of Urban Research, [En ligne] URL : http://articulo.revues.org/2861. Consulté le 30 janvier 2017.

Matthey, L., 2007, Le quotidien des systèmes territoriaux : lecture d’une pratique habitante. Généalogie et description herméneutique des modalités de l’habiter en environnement urbain, Berne, Peter Lang, 446 p.

Morello, E. et B.E.A. Piga, 2015, Experiential simulation in architecture and urban space, Ambiances.Environnement sensible, architecture et espace urbain, [En ligne] URL : http://ambiances.revues.org/671. Consulté le 30 janvier 2017.

Roger, A., 1997, Court traité du paysage, Paris, Gallimard, 199 p.

Thibaud, J.-P., 2015, En quête d’ambiances : éprouver la ville en passant, Genève, Métispresses, 328 p.

Younès, C. et B. Goetz, 2010, Mille milieux. Éléments pour une introduction à l’architecture des milieux, Le Portique. Revue de philosophie et de sciences humaines, 25, [En ligne] URL : http://leportique.revues.org/2471. Consulté le 30 janvier 2017.

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