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Nathalie Boucher & Laurence Janni, Doctorantes en études urbaines. Laboratoire VESPA, Institut national de la recherche scientifique, Centre Urbanisation Culture Société, Montréal, Canada

Le chercheur en milieu urbain se doit de maîtriser l’art de l’objectivité. Pourtant, dans ses recherches, par ses méthodes, il est la proie des ambiances des espaces qu’il étudie. Faire des relevés de terrain ou se rendre sur le lieu d’une entrevue immerge le chercheur dans les ambiances urbaines. Dans les deux cas, et dans bien d’autres, ses prédispositions sensorielles auront une influence sur les données qu’il va récolter. Le chercheur doit-il contrôler ou analyser sa sensibilité aux ambiances urbaines dans sa compréhension de la ville ? A-t-il les outils théoriques et méthodologiques pour le faire? Ici, nous opposons pour l’exercice nos deux méthodologies privilégiées et leur rapport à l’ambiance.

Ethnographie

Aujourd’hui, l’immersion ethnographique urbaine est courte, focalisée sur une dimension ou une autre de la ville. L’ambiance est un élément puissant et saisissable, mais souvent compris comme secondaire, voire illustratif. Le Belleville de Simon1 est conçu comme un chevauchement des ambiances de Belleville qui exprime la mosaïque des usages sociaux dans ce quartier multiethnique. La saisie des ambiances ici est-elle tributaire du sujet d’études ? Un autre chercheur travaillant sur un autre sujet aurait-il saisi les mêmes sons, lumières, voix et couleurs? Les aurait-il agencés de la même façon? Les aurait-il analysés avec le même résultat ? Trop souvent, les chercheurs négligent l’importance de leurs sens. Le rapport du chercheur aux stimulations sensorielles n’est pas valorisé, est peu exploré et exploité. Pourtant, la recherche de terrain s’enrichit du partage de ces expériences avec les citadins. Les outils qui assurent un minimum de valeur scientifique au travail ethnographique pourraient être mis à contribution pour objectiver la relation à l’ambiance. Mais cet exercice de saisie et de transmission objectives du rapport aux ambiances urbaines ne dénaturerait-il pas ces expériences sensorielles toutes subjectives ?

Cyber ethnographie

Comment entendre ces appels subtils aux sens et tenir compte de leur écho dans la recherche urbaine ? Les nouvelles technologies, qui font leur chemin dans nos méthodes de collectes de données, pourraient peut être rendre justice aux ambiances vécues, ressenties, exprimées. La cyber ethnographie permet au chercheur de tenir le terrain à distance de ses sens. Mais est-ce ainsi donner plus d’objectivité à la recherche ou la priver d’éléments indispensables à sa compréhension du social ? Faut-il réintégrer ces données aux connaissances du terrain et si oui, comment ? Les pratiques numériques des urbains ainsi que la connectivité dans les espaces publics participent elles-mêmes de cette ambiance à saisir et au final participent de son rythme. Il y a quelques années, Finnegan2 s’est intéressée à l’importance des divers récits (personnels et institutionnels) que les acteurs rédigent sur la ville en écrivant sur eux. Les récits de chacun permettent alors de représenter le tout et l’expérience du tout. Le foisonnement des récits de cette nature sur Internet offrent de nouvelles perspectives en terme d’accès à une grande diversité de discours, de ressentis, de représentations et donc d’éléments d’ambiances filtrés par d’autres sensibilités que celle du chercheur. Internet pourrait-il être l’outil d’une étude des ambiances qui embrasseraient toutes les dimensions sensorielles… sauf celle du chercheur ?

1. Simon, P. 1997. «Les usages sociaux de la rue dans un quartier cosmopolite». Espaces et Sociétés, vol. 90-91, p. 43-68.
2. Finnegan, R. 1998. Tales of the city. A stydy of narrative and urban life. Cambridge : Cambridge University Press.

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