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Christophe Bittolo, Psychologue, psychanalyste, analyste de groupe, enseignant chercheur associé (LPCP de l’Université Paris Descartes), France

Si l’ambiance est une question principalement posée par la recherche architecturale, il n’est pas inintéressant de s’interroger sur la place que cette question occupe aujourd’hui dans le champ de la psychologie clinique. Cette discipline a historiquement centré son attention sur ce qui se passe intérieurement pour un sujet singulier ; mais l’extension des domaines d’application vers les pratiques de groupes (patients, famille, équipe des travail…) a amené les cliniciens et les psychanalystes à développer des conceptions et des méthodologies groupales.

Dans ce mouvement, l’attention portée à la vie affective s’est étendue vers une sensorialité partagée, liante, à certains égards « hors sujet », vers une zone « limite » dans laquelle la différenciation opérée par la pensée entre l’espace environnant, la psyché et le corps s’estompe et perd sa pertinence.

C’est ici que l’ambiance apparaît et prend toute sa valeur processuelle. La présence de cet éprouvé d’ensemble témoigne tout autant de l’état sensori-affectif d’un collectif qu’elle est mobilisatrice d’effets sur des façons de penser, d’agir et d’être ensemble. La prégnance et l’impact des ambiances dans les institutions hospitalières nous a ainsi amené à en étudier attentivement les évolutions et les ressorts (C. Bittolo, 2007, 2008). Quelles sont aujourd’hui les questions soulevées par la prise en compte de cet éprouvé dans la clinique des groupes ?

Si l’on peut reconnaître à la qualité d’une ambiance (conviviale, tendue, distendue…) le pouvoir qu’elle détient sur des processus intrapsychiques et intersubjectifs, son absence relative à un moment donné pose la question des différentes modalités qui, dans la vie d’un groupe, concourent à la régulation d’une sensorialité diffuse. Nous avons ainsi pu souligner que des dynamiques de groupe, des styles tonico-posturaux et moteurs et certains procédés « disjonctifs » avaient le pouvoir de contenir et de réguler les forces en jeu. Une ambiance prégnante et manifeste marquerait sous cet angle une dérégulation ou un débordement de ces différentes modalités intégratives.

Parmi ces modalités, le rôle de la forme prise par un groupe interroge son pouvoir de contenance esthésique ; comment l’esthétique d’une forme et l’émotion qu’elle suscite  participent-elles à la transformation d’une sensorialité éparse ? Cette question interroge autant le pouvoir attracteur de l’ambiance que l’importance des rythmes.Enfin plus globalement, l’ambiance nous conduit à repenser l’étendue de la vie psychique et des phénomènes inconscients au-delà des « topiques » initialement conceptualisées par S. Freud et les articulations qui existent entre l’architecture interne de la vie psychique et l’espace sensible. Nous voici devant de vastes chantiers dont l’ambiance constitue une précieuse voie d’accès.

Bibliographie
Anzieu D.,1999, Le groupe et l’Inconscient, Paris, Dunod, 3ème Ed.
Bittolo C., 2008, « Les ambiances et leur traitement dans les groupes en institution » in Revue de Psychothérapie Psychanalytique de Groupe, 50, 2008, p45-53
Bittolo C., 2007, « Introduction à la psychopathologie des ambiances », in E. Lecourt et al., Modernité du groupe dans la clinique psychanalytique, Toulouse, Erès
Bion W.R.,1961, Recherches sur les petits groupes, tr. E.L. Herbert, Paris, Puf, 1965
Lewin K.,1947, « La frontière dans la dynamique des groupes » in Psychologie dynamique, Paris, Puf, 1959
Rouchy J.C.,1998, Le groupe, espace analytique, clinique et théorie, Toulouse, Erès
Thibault E., 2010, La géométrie des émotions, les esthétiques scientifiques de l’architecture en France, 1860-1950, Wavre, ed. Mardaga

1. Enseignées dans le cadre du Master de Psychologie Clinique et de Psychopathologie de l’Université Paris Descartes.
2. Il s’agirait de préciser la notion de « forme » parmi les filiations issues du Gestaltisme, des théories de la communication et d’autres théories psychanalytiques sur le fonctionnement des groupes.
3. Notons sur cette question, le travail d’Estelle Thibault (2010).

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